Portrait du producteur/DJ montréalais Mossa - Camoufleur sonore
L’imagination de Jeremy Petrus, alias Mossa, génère des réalisations variées, dans le domaine musical comme dans le monde du design. Le musicien montréalais, qui a gagné le respect de la scène house minimale au fil des dix dernières années, produisait récemment des remix pour des pionniers comme Hakan Lidbo et Swayzak. Mossa propose ce printemps Festine, son nouvel album complet lancé sur Thema, une étiquette de Brooklyn. Il revient à Mutek pour une quatrième année et y présente une performance live dans le cadre du Nocturne le 3 juin au Savoy du Métropolis.
Jeremy Petrus possède un passé musical chargé et diversifié. Après avoir étudié la guitare et le piano pendant dix ans et avoir joué dans plusieurs groupes, dont le trio jazz Zulu Furax, il se tourne vers la scène électronique. DJ, il fonde Complot en 2001 avec ses partenaires Dafluke et Pero. L’étiquette a pour objectif premier d’encourager les collaborations entre artistes électroniques. Issu du monde des groupes de musique, Mossa cherche ainsi à contrer la solitude inhérente au travail de dj/producteur : « Je trouve un peu alliénant d’être seul derrière une console devant des milliers de personnes qui dansent, puis de passer ses journées enfermé dans un studio pour faire de la musique. Quand je peux, j’aime bien mélanger les sauces et provoquer des rencontres. »JP Mossa rassemble ainsi des artistes autour de mêmes projets. Par exemple, il met sur pied en 2006 le DJ Orchestra, une expérience scénique à laquelle participent entre autres les artistes montréalais Mir et Éloi Brunelle. La formule regroupe six à huit djs derrière autant de tables tournantes. L’équipe est chapeautée par un chef d’orchestre qui, alimenté dans sa console par ce que chacun joue, sélectionne et mélange le son qui ressort dans la salle. Le projet a déjà été présenté à Montréal, à Paris, et ira possiblement faire son tour à San Francisco à l’automne 2010.
Mossa, amateur de hip hop, apprécie la culture de collaborations entrevenue dans ce milieu où l’on s’invite régulièrement entre artistes à participer sur les albums des uns et des autres. C’est dans ce même esprit que Jeremy Petrus fait appel spontanément à des musiciens qui ajoutent leur touche à certaines pièces sur Festine. Le type de collaboration des artistes varie, les échanges se faisant en toute spontanéité. Sur I Am You, Mossa demande à la productrice Qzen de réciter un texte. Mike Shannon complète le morceau Churros avec de subtils échantillons. Dave Aju enregistre la voix sur Cop a Feel et y ajoute du texte. Mathias Kaden et Pezzner retravaillent respectivement en profondeur les pièces New York et Virga. Ce second album est déjà décrit comme plus varié et plus profond que Some Eat It Raw (Circus Company 2006), une description qui fait sourire son créateur : « Je n’ai pas vraiment de stratégie et j’ai de la difficulté à catégoriser ma musique, souligne Jeremy Petrus. Les gens trouvaient que mon matériel était plus humoristique sur mon premier album, avec des clins d’œil d’échantillonnage à gauche et à droite. Cette fois-ci, on dit que c’est un album plus mûr, que j’ai trouvé mon son. Tous ces commentaires me font rire. Comme musicien, je trouve que ce projet de disque n’est pas si diversifié, qu’il demeure du 4/4 et reste essentiellement composé de boucles qui se répètent. C’est de la techno, tout simplement. »
Le matériel que l’on retrouve sur Festine, un mélange de pièces composées pour l’occasion et de morceaux sortis des tiroirs et actualisés, est majoritairement construit avec le programme Fruity Loops, et appartient surtout au monde de la house minimale. Si la pièce d’ouverture, Milou, s’apparente plutôt à l’univers du dubstep, cela relève selon son créateur de la coïncidence, et peut-être aussi de l’influence du drum’n’bass, un style qu’il explorait dans ses premières années de dj et qu’il continue d’écouter avec plaisir. Jérémy s’inspire aussi toujours de funk, de jazz, mais aussi d’autres styles musicaux. « Je ne suis pas un professionnel du flamenco, mais j’en ai beaucoup joué, j’ai accompagné des danseuses, précise l’artiste. J’en ai aussi tellement écouté et tellement vu en spectacle. Je sais que le tek-flamenco, ça a été beaucoup fait, mais il fallait que je l’essaie aussi. J’ai mélangé des guitares qui existent avec les miennes. Comme instrumentiste, je me permets d’enregistrer des trucs, mais je le fais toujours subtilement. Tout le monde me demande de mettre de l’avant mes talents de musicien sur disque, mais je n’en ai pas envie avec Mossa. Je préfère camoufler. Dans Bulería, j’ai camouflé tous les guitaristes, y compris moi. »
L’expérience de Jeremy ne se limite pas à la musique, et sa formation en design le pousse, en plus de mener une carrière parallèle dans le domaine, à joindre le visuel à l’audio. Généralement concepteur de ses pochettes d’albums, il imagine et coréalise récemment avec Mélanie Charbonneau le vidéoclip de Burn Star, pièce tirée de Festine. En 2005 et 2006, il travaillait en collaboration avec l’Opéra de Montréal et la Société des arts technologiques à la création de certaines éditions de technOpéra, des performances audiovisuelles réunissant notamment chanteurs de l’Atelier lyrique et danseurs contemporains, qui consistaient en l’adaptation techno d’œuvres comme Carmen de Bizet ou Aïda de Verdi.
Mossa, pour qui le fait d’être remixé par d’autres permet de grandir musicalement, aborde l’art du remixage avec inventivité et ludisme. Sa performance au Savoy le 3 juin prochain ne sera pas une présentation du matériel que l’on retrouve sur Festine, mais plutôt une construction à travers laquelle tous les outils sonores sont permis. « Je profite de mes soirées live pour jouer des choses que je ne peux pas endisquer pour des questions de droits d’auteur, souligne l’artiste. Sur disque, je m’arrange pour bien camoufler les échantillons, j’aime jouer avec les limites de la légalité. En live, je peux remixer, par exemple, du Afrika Bambaataa, et je sais que je n’aurai pas de problème de droits... Je ne joue pas beaucoup mon propre matériel, puisqu’on peut déjà l’écouter sur mes disques. »























