Remy Khouzam : À l’ère d’Internet, le droit d’auteur n’est pas dépassé
Avec le développement d’Internet et des nouvelles plateformes de diffusion, on parle de plus en plus du droit d’auteur. En fait, note Remy Khouzam, la marque de commerce et du droit d’auteur prend de plus en plus de place dans la vie de Monsieur et Madame Tout le monde. On retrouve le petit c du copyright sur une foule d’objets, mais pas toujours à bon escient. D’un autre côté, les jeunes de 18-20 ans n’ont, de leur côté, aucune conscience du respect du droit d’auteur. Pour eux, c’est en ligne, donc c’est libre.
« Est-ce que l’Internet change le paysage du droit d’auteur ?, demande le juriste. Non, les mêmes règles s’appliquent. Les environnements numériques mettent à l’épreuve la suprématie normative du droit, mais ne le rendent pas obsolète. Le Canada s’est déjà demandé s’il fallait avoir un nouveau droit à chaque nouvelle technologie et a décidé que la loi ne devait faire référence à aucune technologie en particulier. Donc, la loi canadienne n’est pas obsolète, c’est la rigidité de l’application du droit qui l’est. Il faut prendre position sur la place de la culture, est-ce qu’on veut partager ou protéger ? »
Me Khouzam donne en exemple le cas des Monty Python, dont les films se retrouvent dans leur entièreté sur YouTube. Les créateurs du Sacré Graal, de La Vie de Brian et du Sens de la vie se sont demandé s’ils allaient se mettre à poursuivre sa base de clientèle. Mais plutôt que de se mettre à dos leurs fidèles, ils ont plutôt décidé de lancer leur propre chaîne sur YouTube. Résultat : la vente de DVD du célèbre groupe britannique aurait augmenté de 2300 %.
« Oui, la règle de droit est de notre côté comme créateur, mais on peut l’utiliser pour le bien, poursuit Remy Khouzam. Est-ce qu’on veut une culture collective ou cadenassée ? Que fait-on dans le cas où une partie de l’œuvre est utilisée, dans les mash-up par exemple. Le musicien Girl Talk a, par exemple, créé de nouvelles œuvres en faisant des collages sonores. De point de vue purement juridique, il y a violation de droit, mais il n’a pas encore été poursuivi. Avec Internet, le problème est de voir où il y a violation et où il y a visibilité. Les Cowbows Fringants, par exemple, ont fait salle comble à Paris en 2007 tout simplement en raison du partage de fichiers. Le réflexe des maisons de disque aurait été de poursuivre. »
Le juriste a ensuite présenté les notions essentielles de droit d’auteur. La protection requiert : un minimum d’effort et non un effort mécanique, mais plutôt ce qu’on appelle « the sweat of the brow » en anglais ; l’originalité c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’une copie une œuvre préexistante ; l’œuvre doit être fixée sur un support parce que la propriété devient tangible à la fixation. Contrairement à la légende urbaine, il n’y a aucune formalité pour l’enregistrement d’une œuvre. Les faits, les idées et les événements sont exclus de la protection, mais l’expression originale de l’idée peut être protégée.
« À l’ère d’Internet, l’utilisateur est désormais le créateur, le producteur et le diffuseur », explique Remy Khouzam. Pour mieux contrôler les droits des créateurs sur Internet dans un esprit de partage, l’organisation Creative Commons a créé plusieurs licences, connues sous le nom de Creative Commons licences. « Creative Commons comprend certains droits réservés, précise le juriste. Il s’agit d’une réinterprétation plus flexible du droit d’auteur. Cet organisme est né parce que Lawrence Lessig qui s’est battu contre Disney lorsque cette entreprise qui a monté son empire grâce à des œuvres du domaine public (NDLR : Blanche-Neige, La Belle et la Bête, La Petite Sirène, etc.) a voulu étendre de 20 ans la protection sur Mickey Mouse. Lessig a perdu contre Disney, mais il a créé Creative Commons, pour rappeler que ce sont nos droits et qu’il nous revient de dire comment ils seront utilisés. Creative Commons s’adapte très bien aux environnements numériques. »