« Mon serviteur » : une pièce qui joue avec le pouvoir
Antoine Charbonneau-Demers, écrivain et diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, explore le thème de la servitude dans sa nouvelle performance scénique, « Mon serviteur ». Présentant un solo sur scène, cette oeuvre se distingue par son approche personnelle et introspective, loin des représentations traditionnelles du pouvoir et de la soumission.
L’artiste explique que sa démarche a débuté avec l’adaptation scénique de son roman « Good Boy », de 2020. « Je voulais plonger le public dans les mêmes sentiments, sans nécessairement seulement aller faire une présentation sur scène où je lis des extraits ou je raconte l’histoire. C’est un peu comme ça que je suis parti avec "Mon serviteur" ».
Antoine Charbonneau-Demers aborde la servitude non seulement comme un concept dramatique, mais aussi comme une réflexion personnelle profonde. Il précise : « Mon point de départ, c’était vraiment la servitude, quelque chose qui m’habite énormément comme réflexion. Me dire au service de quoi je suis. Est-ce que je ne suis pas trop au service des gens de ma vie, de mes ambitions, un peu toujours à la merci des décisions qui ne sont pas les miennes ? » Cette introspection sur la soumission et la dépendance a façonné la structure de sa performance.
Un événement marquant a influencé son approche. Antoine Charbonneau-Demers raconte qu’un lecteur lui a proposé de devenir son serviteur, ce qu’il a accepté en pensant que cela pourrait l’aider à résoudre ses propres problèmes de soumission. « Si je me mets dans la position du maître, je vais peut-être régler mon problème. Pas si facile. » Cette dynamique entre maître et serviteur est explorée dans la pièce, qui dépasse les simples connotations du BDSM pour se concentrer sur les émotions et les relations personnelles.
« Je n’ai fait aucune recherche, car je ne voulais pas théoriser le concept, explique l’auteur. Je me suis basé seulement sur mon vécu et c’est ça aussi que j’explore. Je veux davantage investiguer le sentiment plutôt que le rapport de pouvoir en tant que tel. Renverser la dynamique de pouvoir et avoir le contrôle dans une relation permet aussi de remettre en question. ’’Est-ce que c’est possible pour moi de devenir une personne qui prend des décisions, qui réalise ses rêves ? Les jeux de pouvoirs m’intéressent toujours dans ce que j’écris, que ce soit par l’âge, par le genre ou par la classe sociale. Je pense que plusieurs peuvent se reconnaître là-dedans. C’est la subtilité de la servitude dans toutes nos relations interpersonnelles qui m’intéresse. »
La performance est conçue de manière minimaliste pour refléter l’aspect personnel du sujet. « J’ai voulu que ça demeure léger aussi. Le sujet pourrait être lourd, mais c’est bâti comme un thriller un peu hollywoodien. Il y a tous les points d’un récit très conventionnel, comme un scénario de cinéma. » En intégrant des éléments de son propre environnement dans la mise en scène, l’artiste brouille les frontières entre réalité et fiction, pratique qu’il aime intégrer dans ses projets, que ce soit en récit ou sur scène.
Antoine Charbonneau-Demers souligne également l’importance de la vulnérabilité sur scène. « Je suis là seul, ou potentiellement avec un serviteur, ça reste à voir encore. » Il exprime son désir de traiter le sujet de manière à ce que le public puisse s’y identifier tout en étant diverti. « J’avais envie de parler du quotidien, des petites choses, des relations entre amis. Il y a déjà des jeux de pouvoir là-dedans. C’est pour ça que je voulais que ce soit amusant », rajoute-t-il en souhaitant que la pièce, bien que traitant de sujets sérieux, reste accessible et engageante.
« Mon serviteur » est coproduite par La Chapelle Scènes Contemporaines et présentée en partenariat avec le Festival international de la littérature (FIL).